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Lettre de Gilbert Cotteau, fondateur d’Astrée, à Simone Veil


Gilbet Cotteau et Simone Veil

Chère Simone Veil,

Vous êtes là. Vous nous avez quittés vendredi matin il y a 48 heures et pourtant vous êtes là dans mon cœur.

J’ai été soulagé d’apprendre que vous vous êtes éteinte chez vous, sereinement, entourée de quelques proches. En même temps, le choc ressenti par votre départ m’a été particulièrement émouvant. Quarante-cinq années d’une relation respectueuse que j’ose qualifier d’affection mutuelle, émaillées de rencontres assez fréquentes, laissent une trace considérable dans mon esprit et dans mon cœur. Et bien sûr, émergent des souvenirs particulièrement touchants qui me rappellent que vous étiez nourrie par une intériorité fondée sur le respect, la considération, l’attention à l’autre à un degré rare.

Il y a une vingtaine d’années, sachant que peu de temps après votre retour de l’enfer des camps de concentration vous aviez dit « il faut qu’on se réconcilie avec ces gens-là » c’est-à-dire avec les Allemands, je vous avais posé la question « comment avez-vous pu ? ». Vous m’aviez regardé un sourire léger sur les lèvres et vous m’aviez dit après un silence : « l’amour Gilbert ».

Lors d’une cérémonie conviviale, en petit comité,  rassemblant les responsables d’associations que j’avais initiées, vous avez confié à vos invités : « Lorsque Gilbert me demandait rendez-vous, je répondais affirmativement en me demandant ce qu’il avait encore inventé pour soulager les souffrances de nos concitoyens. »

C’est vous qui avez pris le risque de m’accompagner à Poitiers pour lancer le premier centre de secours aux personnes âgées, la télé assistance. Vous écoutiez bien, vous posiez deux ou trois questions précises et vous avez conclu : « alors, on y va quand ? » alors que vous étiez une ministre de la santé particulièrement active.

Passionnée de peinture, nous avions été heureux de vous offrir une toile de mon ami artiste Franck Duminil intitulée « passerelle d’humanité », un titre qui vous reflétait à merveille, une toile que vous m’aviez dit adorer.

Lors de votre réception à l’Académie Française, vous aviez convié une vingtaine d’amis chez le Président du Sénat où François Jacob vous remettait votre épée symbolique. Vous avez regardé chacun de nous d’un regard tellement attentif que chacun a eu l’impression d’être « unique ». Et vous nous avez dit : « je vous ai invités parce que je vous aime ». Et chacun a dû ressentir comme moi-même la confirmation d’une relation authentique, sincère, profonde. En somme, tous les moments partagés avec vous reflétaient votre exceptionnelle qualité d’être. Toute votre action publique n’a-t-elle pas visé un meilleur vivre ensemble ?

Je vous ai plusieurs fois dit que vous n’aviez pas mesuré l’impact de vos soutiens et je vous réitère ma reconnaissance.

Je me permets, chère Simone Veil, de vous dire que j’espère vous retrouver dans un autre espace-temps et vous assure de mes pensées les plus chaleureuses ô combien respectueuses.

Gilbert

Texte également édité sur le site de SOS Village d'Enfants France.



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